Une fois de plus un ministre de la Fonction publique fait de la provocation en menaçant les fonctionnaires de rallonger le délai de carence et de réduire l’indemnisation des congés maladie. Pour lui, c’est simple : malade=fainéant…
La CGT/MAE, forte de ses liens avec l’UGICT SYNDICAT CGT des Ingénieurs/Cadres/Techniciens, vous invite à regarder et à partager cette vidéo dédiée à la déconstruction du discours de Guillaume KASBARIAN, vidéo dont nous vous reproduisons également le texte ci-dessous.
https://www.youtube.com/watch?v=k4rBIayOy0g
Au lieu de mentir éhontément, notre ministre ferait mieux de comptabiliser notre travail gratuit (heures écrêtées, congé non pris) avant de causer ! Et voilà qu’il félicite Elon Musk pour son projet de « démanteler la bureaucratie » à la tête du ministère de l’efficacité gouvernementale américain…
Bonne vidéo et n’hésitez pas à nous rejoindre !
Retrouvez également ici : le calculateur de la CGT Fonction publique pour estimer les pertes financières de l’opération « 3 jours de carence + 90% du salaire ».
Verbatim :
Le ministre nous dit que les fonctionnaires sont par nature plus absents que les salariés du privés : les études de ses propres services disent le contraire ! Parmi les moins absents on retrouve les enseignants et les fonctionnaires de la fonction publique d’État. C’est ce que rappelle Libération dans un article de janvier 2024 basé sur les chiffres de la direction générale de l’administration et de la fonction publique : par exemple, dans une semaine type, seulement 2,6 % des enseignants sont en congé maladie contrairement à 3,9% dans le privé.
Or le ministre déclare dans son intervention à France Inter :
« moins d’arrêt maladie ça serait plus de responsabilité, je le redis : nous avons une dérive du nombre de jours d’absence, et notamment dans la fonction publique, d’envoyer ce signal-là de responsabilisation à la fois sur la carence et la prise en charge dans un alignement encore une fois dans un esprit d’alignement avec le privé »
Si on reprend la logique du ministre Kasbarian cela signifierait que les enseignants et les fonctionnaires d’État seraient plus responsables dans la gestion de leurs arrêts maladie… en vérité c’est simplement que les conditions de travail varient selon les secteurs d’activité ! Par exemple dans les fonctions publiques territoriales et hospitalières c’est là qu’on trouve les agents et les agentes les plus exposés et les publics les plus vulnérables : crèches, EPHAD, hôpitaux : il y a des métiers où on est plus exposé au risque et donc on tombe plus souvent malade… c’est ce que rappelle le fameux rapport IGF-Igas de 2024 : à caractéristique d’emploi identique il n’y a quasiment pas d’écart d’arrêt maladie entre le public et le privé : que vous travaillez dans une crèche publique ou privée, vous serez autant vulnérable aux maladies contagieuses des enfants.
Un autre rapport, cette fois-ci du ministère de la Fonction publique (celui de notre cher ministre ! ), explique que s’il y a légèrement plus d’arrêts dans certains secteurs, c’est parce que les fonctionnaires sont confrontés à des conditions de travail atypiques le weekend, la nuit, les jours fériés, ce qui a un impact sur leur santé.
Il y a une réalité, c’est que le nombre de jours d’arrêt augmente, et la réponse du gouvernement, c’est que ce sont les fonctionnaires qui en sont responsables : c’est une inversion scandaleuse de la responsabilité, car dans le monde du travail il y a un principe fondamental : c’est votre employeur qui est responsable de votre santé et de votre sécurité au travail. Dans le privé les employeurs avec des fort taux d’accidents de travail et d’arrêts maladie ont des pénalités financières, ce n’est pas le cas de l’État employeur qui est donc déresponsabilisé. La CGT alerte depuis des années : les sous-effectifs chroniques dans les services publics conduisent à une explosion du nombre d’épuisements professionnels et de maladies lié au travail la CGT-Ingés Cadres et Techniciens a tiré la sonnette d’alarme dans son baromètre Via Voice : les professions intermédiaires et techniciennes de la fonction publique voient leur conditions de travail se dégrader d’année en année : 61 % des déclarent que leur charge de travail a augmenté par rapport à l’année précédente -soit plus 8 points par rapport au privés. 68 % estiment être exposé à des risques psychosociaux -soit plus 15 points par rapport au privé.
Pour faire passer la pilule le gouvernement veut faire passer les fonctionnaires pour des privilégiés : au fond cette mesure ne serait que de la justice sociale… la vérité c’est que les 2/3 des salariés du privé n’ont aucun jour de carence grâce à leur prévoyance santé, c’est ce que rappelle une étude de la DRESS de 2015 : la prise en charge des jours de carence dans le privé permet d’ailleurs de réduire les arrêts maladies, et c’est logique : mieux vaut prévenir que guérir… En fait les jours de carence ont deux conséquences : l’allongement de la durée des arrêts maladies, et la poursuite du travail malade, ce qui peut dégrader la santé des agents publics et augmenter les dépenses de santé !
A la CGT nous n’avons rien contre l’alignement public privé mais pourquoi toujours sur le moins-disant ? Le comble du cynisme c’est que le gouvernement précédent envisageait déjà d’augmenter les jours de carence pour le privé à 4 voire à 7 jours : de quoi revenir dans quelques années avec le même chantage entre le public et le privé… on marche sur la tête !
Et d’ailleurs, dans un souci d’égalité, le gouvernement veut aligner public et privé : en a-t-il l’idée également pour les salaires ? Car d’après l’INSEE le pouvoir d’achat des salariés du privé a augmenté deux fois plus vite que celui des fonctionnaires entre 2011 et 2021 : en moyenne 0,4 % par an contre 0,2 %. La mesure proposée par Monsieur Kasbarian vise à prélever directement 1,2 milliard sur la rémunération des fonctionnaires, une mesure qui impactera avant tout les femmes, majoritaires dans la fonction publique, très concernées par les arrêts courts (par exemple pour endométriose). En matière de rémunération les fonctionnaires ont été augmentés de 5 % entre 2022 et 2023 mais dans le même temps les prix à la consommation augmentaient de plus de 11 %. Nous sommes bien dans un cycle de paupérisation des agents publics, aggravé par ce gouvernement.
Vous l’aurez compris : nous sommes face à une nouvelle opération de dénigrement des fonctionnaires, qui vise à les faire passer pour des profiteurs d’arrêt maladie : dans la réalité c’est plutôt l’État qui profite du dévouement des agents publics. je vais prendre un dernier exemple dans cette étude de l’Ugict-CGT sortie il y a 15 jours sur les cadres de la fonction publique :
-un sur deux travaille fréquemment pendant ses jours de repos
-un sur 4 travaille plus de 45 heures par semaine
-neuf sur 10 déclarent faire des heures supplémentaires (et dans la moitié des cas elles ne sont ni récupérées ni rémunérées)
Là-dessus nous n’entendons plus notre cher ministre de la Fonction publique alors pourquoi s’acharne-t-il contre les agents publics alors qu’il a à sa disposition tout un ensemble de rapports qui lui donne tort alors que nos services publics sont en crise et que les inégalités sont toujours plus fortes dans notre pays ? Il est temps de se poser les bonnes questions : qui sont vraiment les irresponsables, et qui doit payer la facture ?