par Sabine | Nov 22, 2021 | Nos revendications, 2021, CSAM (ex-CTM), Déclarations CGT-MAE
M. le Ministre,
10 % d’effectifs en plus !
Il y a quelques années, nous débutions notre intervention par la diffusion dans cette enceinte du « Fossoyeur ». Nous aurions volontiers renouvelé cette interpellation musicale, ne serait-ce que pour fêter le centenaire de Georges Brassens, mais avons renoncé, faute d’avoir identifié, dans le répertoire musical à notre disposition, de titre intitulé « le VRP du fossoyeur ».
Rassurez-vous, je ne fais pas ici référence à l’article paru en juillet dans Jeune Afrique et décrivant vos pérégrinations commercialo-familiales aux Emirats. Mais bien du fait que, pour la 2ème année consécutive, vous venez nous vendre la prise de conscience soi-disant aigüe que l’exercice de destruction massive des effectifs de ce Ministère n’a que trop duré, avec pour seule conséquence le fait de geler lesdits effectifs à un niveau unanimement reconnu comme intenable. Et ce n’est pas le recrutement temporaire de 40 apprentis qui va compenser les milliers d’emplois supprimés, ni soulager la charge de travail de nos collègues épuisés. Nous exigeons au contraire une politique de recrutement massif, de l’ordre de 1.500 agents, afin de renforcer les effectifs de tous les services et de retrouver enfin des conditions de travail dignes de ce nom.
Le statut général des fonctionnaires
Nous demandons également la titularisation de tous les collègues contractuels qui le souhaitent, afin de garantir l’indépendance des agents et du service public qu’ils incarnent, et pour que ce ministère réponde enfin aux exigences de réduction massive de la précarisation dans la fonction publique. Lors du dernier CTAC, nous avons par exemple découvert avec effarement que des postes de rédacteurs avaient été publiés sur la Place Publique de l’Emploi, notamment ceux de rédacteurs Iran et Afghanistan. Et la DRH de nous asséner sans sourciller que le Ministère ne disposait pas de compétences en interne pour pourvoir ces postes. Pas de spécialistes de l’Iran et de l’Afghanistan au Ministère des Affaires Etrangères ? La situation serait-elle encore plus grave que nous le pressentions ? Nous refusons d’y croire. Selon nous, l’explication est malheureusement beaucoup plus prosaïque, et a trait au mépris affiché par ce gouvernement et ses représentants à l’encontre des fonctionnaires.
Nous passerons rapidement sur la réforme en cours de la haute fonction publique, qui illustre bien ce mépris. Non pas parce que le sort de nos collègues conseillers ou ministres pleinpots ne nous intéresse pas, ni même parce que nous considérons qu’ils ont largement creusé la fosse dans laquelle ils pataugent aujourd’hui. Nous restons solidaires de nos collègues, et l’avons prouvé en votant contre le projet de décret relatif à la création du corps des administrateurs de l’État au Conseil Supérieur de la Fonction Publique, contrairement à l’UNSA et la CFDT, qui se sont prononcés pour, il est important que les agents le sachent. Mais cet affront qui est fait à nos diplomates ne pourra malheureusement être lavé dans cette enceinte : seule l’abrogation de la Loi de Transformation de la Fonction Publique le permettra, et la CGT continuera de se battre pour l’obtenir.
10 % de revalorisation du point d’indice
M. le Ministre, vous nous annoncez une progression de 2% de la masse salariale, permettant d’attribuer 24 millions d’€ à la réforme des ressources humaines que défendez. Nous considérons qu’il s’agit d’un saupoudrage. Nous déplorons encore une fois le fait que le gouvernement n’ait pas fait le choix de l’augmentation du point d’indice et persiste sur l’individualisation de la rémunération par l’octroi de primes, dont on ne connaît que trop le caractère inégalitaire.
Nous actons en parallèle le relèvement conséquent, par la DGAFP, des ratios de promotion, une mesure, qui ressemble furieusement à un cadeau électoral, mais qui n’en reste pas moins bienvenue. Nous regrettons néanmoins le manque de transparence qui s’applique à l’exercice de promotion dans notre administration. Fin de non-recevoir à notre demande d’accès aux listes d’agents promouvables, absence de négociation à l’ordre du jour sur les lignes de gestion, et sur les critères objectifs à prendre en compte pour décider qui, du collègue ou de son voisin, mérite ou non un avancement. Pire, en encourageant la remise de listes d’attentions positives par les organisations syndicales, vous avez personnellement validé un système opaque, mis en place en dehors de tout cadre règlementaire, qui remet en cause l’égalité de traitement entre les agents en indexant la reconnaissance de leurs compétences à leur allégeance syndicale.
Halte au harcèlement, oui à l’intégration !
M. le Ministre, je ne souhaite pas terminer cette intervention par un inventaire à la Prévert des points d’attention que nous souhaiterions vous soumettre, depuis l’affaiblissement du service public par l’externalisation de ses missions et la numérisation de ses moyens, jusqu’à la valse des hauts fonctionnaires au handicap et l’inclusion, nommés à un an de la retraite comme pour souligner tout l’intérêt que l’on porte à l’égalité des chances dans notre maison.
Je me contenterai donc d’évoquer celui qui, à nos yeux, revêt une importance particulière. L’année dernière, vous nous annonciez, au moment de la fusion des cellules de recueil de signalements, que votre bras ne tremblerait pas en la matière. Depuis, wapi, si vous me pardonnez cette interjection swahilie, dont un CAE en voie d’extinction pourra vous donner la traduction. Une mise à la retraite d’office, voici tout ce que nous avons eu à nous mettre sous la dent. La CGT vous a fait part au dernier CTM d’une série de demandes au sujet du harcèlement dans notre Ministère, sur lesquelles nous n’avons pas eu la moindre réponse :
• Interdiction des mutations dans l’intérêt du service à l’encontre des personnes ayant effectué un signalement de harcèlement.
• Communication des statistiques anonymisées sur les sanctions prises à l’encontre des harceleurs.
• Saisine systématique du Procureur de la République en cas d’agissements délictueux, ainsi que le prévoit la loi.
C’est ainsi, et pas autrement, que l’on fait montre de Tolérance Zéro. En allant plus loin que les mots. 70 % des auteurs de signalement de harcèlement moral au Ministère sont des femmes. C’est donc également une question qui impacte l’équité des conditions de travail entre les sexes.
M. le Ministre, 10 % de fonctionnaires en plus, 10 % de salaire en plus, tolérance zéro en matière de harcèlement moral, de violences sexistes et sexuelles et de discriminations, c’est possible ! Nous vous engageons, pour ce qui constitue peut-être votre dernière année de mandat, à renouer avec votre passé d’homme de gauche, aussi lointain puisse-t-il paraître aujourd’hui. Et peut-être vous rendrez vous compte qu’il est finalement plus simple de viser une vraie justice sociale que de vendre des sous-marins…
par Sabine | Mai 18, 2021 | CSAM (ex-CTM), 2021
M. le Ministre,
Lors de notre précédente rencontre, la CGT/MAE exigeait un changement de cap drastique, une prise en compte de la fatigue générale du réseau, par une politique de recrutement et de rémunération ambitieuse. 6 mois plus tard, tels Sœur Anne, nous ne voyons rien venir. Au contraire, le Ministère semble s’enferrer dans une attitude où le désintérêt à l’égard de ses agents le dispute à la mesquinerie, quand il ne confine pas au mépris pur et dur.
Ce désintérêt s’observe dans l’attentisme déplorable qui préside à la préparation et l’exécution de la campagne de vaccination. Le recensement des agents vulnérables n’a été ordonné que 20 mars 2021, les problèmes logistiques, (les « contraintes organisationnelles » érigées en véritables éléments de langage) n’ont pas été anticipés et sont toujours à l’étude, plus d’un an après le début de la crise sanitaire. Cela fait pourtant belle lurette que l’on sait que la sortie de crise passe par la case vaccins. Cela fait longtemps que les vecteurs d’acheminement auraient dû être identifiés, sans attendre le résultat des tractations sur le type de vaccin à envoyer ou le nombre de doses concernées.
En ce qui concerne ces tractations, la CGT/MAE ne peut que dénoncer la mollesse de son administration. Le MINDEF a obtenu sans coup férir la vaccination des 2.400 effectifs du GAN du porte-avion Charles de Gaulle dès le mois de février. Celui de l’Intérieur a garanti la vaccination de tous les membres des bureaux de votes déployés à l’occasion des élections régionales en juin, alors que rien n’a été prévu chez nous pour les élections consulaires en mai. La seule réponse de l’administration a longtemps été de conseiller aux agents de se faire vacciner lors de leurs congés d’été, mais là encore sans la moindre garantie sur un accès prioritaire à un vaccin unidose. Le ministère se cache derrière la politique vaccinale nationale, alors que nous attendions de lui qu’il défende au contraire la spécificité de nos situations à l’étranger. Un fonctionnaire contaminé en France, même en cas de comorbidité, peut espérer bénéficier d’un accompagnement médical de qualité. Dans la moitié de nos Postes à l’étranger, dont certains confrontés à une forte prévalence de variants, ce n’est malheureusement pas le cas, et c’est cette particularité qu’il fallait mettre en avant pour faire en sorte que 5 ou 6.000 personnes seulement soient considérés comme absolument prioritaires. Cela n’a pas été le cas, et ce mépris à l’égard de ceux qui ont tant donné pour faire en sorte que votre action puisse se poursuivre n’est pas à votre honneur, et nous restera un certain temps en travers de la gorge. En l’état, nous ne pouvons que souhaiter que l’administration mette les bouchées doubles d’ici l’été pour garantir l’accès au vaccin aux agents qui en seraient démunis dans leur pays de résidence et à ceux qui doivent s’expatrier à l’été.
La mesquinerie, on la retrouve dans le refus constant de l’administration d’adopter des mesures qui pourraient faciliter la vie des agents et alléger les charges financières qu’ils subissent, par exemple en prenant en charge les frais liés au télétravail ou en ayant une interprétation des textes régissant leurs congés qui leur soit enfin favorable : règle des 31 jours appliquée à l’étranger sans base légale, non-cumul illégal de droits à congés durant les congés de mutation, négociation sur les délais de route sur la table depuis 2016, avec une issue sans cesse remise aux calendes grecques. Pour votre gouverne, M. le Ministre, cette question des congés est tout sauf anodine. En 2019, dernière année probante en termes de badgeage et de temps de travail, les agents du Ministère ont gracieusement offerts à l’administration : 75.000 jours de congés non pris et non déposés sur un CET, 2.000 jours de récupération horaires variables non pris, 80.000 heures supplémentaires écrêtées. Un sacrifice forcé représentant selon nos calculs un total d’environ 600 ETP et auquel nous demandons qu’il soit mis un terme par un recrutement au moins équivalent.
Mépris, enfin. Le 26 mars, nous vous adressions un courrier pour vous demander de bien vouloir trouver une solution consensuelle au dossier d’une agente C à XXX, menacée d’une mutation dans l’intérêt du service. Aucune réponse de votre part, et la MIS aura finalement été prononcée, l’intéressée doit rentrer en Centrale d’ici quelques jours. Je souhaiterais revenir dans les grandes lignes sur ce dossier, car il illustre magnifiquement bien le gouffre désormais béant entre les beaux discours que vous avez l’audace de nous asséner en instances et la réalité parfois sordide du terrain. Cette agente était issue du recrutement PACTE. Après une 1ère expérience fructueuse, il s’agissait de sa première expatriation : elle était arrivée en septembre à XXX, avec mari et bébé, en laissant derrière eux appartement et emploi du conjoint. Très rapidement, communication difficile avec son chef de service, qui en guise d’accompagnement, se plait à l’humilier en public, allant jusqu’à mettre en doute ses capacités mentales. L’intéressée saisit alors la cellule Tolérance Zéro pour dénoncer le harcèlement dont elle s’estime victime. Deux semaines plus tard, la DRH lui notifie sa mutation sur un motif complètement fallacieux et ruine ainsi cette première expérience à l’étranger. L’agente écrit à la DRH, supplie qu’on lui accorde une nouvelle chance, sans succès. Elle saisit la médiatrice et le référent écoute, qui se retranchent tous 2 derrière leur incompétence. On mesure en retraçant cet épisode la duplicité du ministère, qui s’enorgueillit d’accueillir en son sein des femmes et des hommes d’horizon différents, sans s’investir pleinement dans leur accompagnement, qui glorifie littéralement ses dispositifs d’alerte mais ne leur donne aucun moyen d’agir, qui affiche, enfin, sa préoccupation grandissante à l’égard des phénomènes de harcèlement mais refuse de garantir le droit des auteurs de signalement à la protection contre les éventuelles sanctions qui pourraient en découler. La CGT/MAE souhaite donc profiter de cette occasion pour réaffirmer 2 revendications qui lui paraissent essentielles :
• Qu’en vertu de la Loi LE PORS, aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne puisse être prise à l’encontre des victimes de harcèlement qui ont le courage de rompre leur isolement en saisissant la cellule Tolérance Zéro ;
• Qu’il soit fait la transparence la plus totale sur les phénomènes de harcèlement, en rendant compte aux OS, de manière bien évidemment anonyme mais détaillée, des statistiques relatives aux cas signalés mais aussi, et surtout, aux sanctions qui auront été prononcées à l’égard des harceleurs, ou aux motifs pour lesquels ces sanctions n’auront pas été jugées nécessaires. Seule la fin de cette omerta permettra d’abolir le sentiment d’impunité qui prévaut chez les harceleurs et décourage les harcelés.
M. le Ministre, la CGT/MAE ne croit plus à votre volonté de redresser la barre. Et pourtant, il nous a semblé important de terminer cette intervention par une requête, par solidarité avec des agents qui ne dépendent pas de votre plafond d’emploi mais partagent avec nous la même envie de faire rayonner la France à l’étranger. En décembre 2020, les agents du Lycée Français de Santiago apprenaient le licenciement sec de 33 personnels et le non-renouvellement de 7 contrats supplémentaires ; et la semaine dernière, c’est l’Institut Français de Valence qui annonçait la suppression de 26 postes. M. le Ministre. En pure perte sans doute, nous vous implorons de bien vouloir, en lien avec l’AEFE et l’Institut Français, tout mettre en œuvre pour que ces plans de licenciements massifs soient évités. Parce que la délégation de service qui est opérée au profit de nos différents opérateurs ne vous décharge pas de veiller à l’impact social de notre politique à l’étranger, et parce que c’est une bien piètre image de la France qui est reflétée à l’occasion de ces tristes épisodes.