Fiscalisation des IRE – courrier au ministre de l’Intersyndicale du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

28 Nov 2024 | Vie des agents

Comme nous l’avions annoncé hier, l’intersyndicale du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères vient de saisir le ministre quant à l’amendement au projet de Loi de Finances pour 2025 actant la fiscalisation des indemnités de résidence à l’étranger (IRE).
Vous trouverez ci-après ce courrier.

Chacune de nos organisations se tient bien sûr à votre disposition pour évoquer le sujet et entendre vos questions ou suggestions.

==Début de citation==

Monsieur le Ministre,

Les organisations syndicales et associations professionnelles représentant les agents du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ont pris connaissance de l’amendement N°I-1615 présenté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 (PLF25) et adopté en première lecture par le Sénat le 21 novembre dernier. Cet amendement vise à supprimer l’exonération d’impôt sur le revenu appliquée à l’indemnité de résidence allouée aux fonctionnaires civils et militaires en service à l’étranger (IRE) de manière progressive sur trois ans (revenus perçus en 2024, 2025 et à partir du 1er janvier 2026).

Nous tenons à nous faire le relais de l’alarme et de la colère que suscite auprès des agents de ce Ministère cette nouvelle offensive contre notre appareil diplomatique. Nous sommes particulièrement choqués que cet amendement soit adopté avec le soutien du gouvernement. Face aux conséquences délétères et irréversibles qu’une telle mesure produirait pour nos ressources humaines et, par conséquent, pour notre action extérieure, nous souhaitons exprimer notre détermination à nous mobiliser.

Nous comptons sur une mobilisation identique de votre part, dans l’intérêt de notre diplomatie et de ses agents.

Tout d’abord, nous comptons sur vous, M. le Ministre, pour rétablir les faits, déformés avec désinvolture par l’exposé des motifs soutenant l’amendement au PLF25 : l’IRE est étroitement corrélée aux conditions de vie et au coût de la vie, selon un mécanisme régulièrement examiné par la Cour des Comptes. Alors que le statut administratif des conjoints à l’étranger ne leur permet souvent pas l’accès au marché du travail local, le traitement des agents constitue la seule source de revenus du foyer. Il est bien évidemment fallacieux de pointer l’absence de notes de frais s’agissant d’une indemnité forfaitaire, dont le niveau intègre dans son calcul une estimation des dépenses élémentaires de la famille expatriée (logement, écolage…) et fait l’objet d’une adaptation trimestrielle et d’une modulation en fonction du corps et du grade.

Une diminution significative de l’IRE induite par sa fiscalisation affectera en premier lieu les familles et les agents de catégories B et C. Elle reviendrait, tous barèmes confondus, à une baisse moyenne de revenu d’environ un tiers. Brusquement amputés de leur pouvoir d’achat, les agents n’auront d’autre choix que de demander leur retour en France. Les services aux Français à l’étranger risquent d’être affectés. Cela signifie à terme l’effondrement de notre réseau. Une telle mesure conduira à conditionner l’exercice de fonctions à l’étranger aux agents disposant des capacités à assumer ce surcoût et aggravera les inégalités existantes. Un retour, pour ainsi dire, à l’ancien régime.

En outre, il nous paraît indispensable de replacer l’existence de cette IRE dans le contexte des servitudes particulières requises des agents servant dans les ambassades et consulats français à l’étranger. Ceux-ci consentent à des adaptations parfois très fortes de leur vie personnelle et de celle de leurs familles. Certains servent dans des contextes où leur intégrité physique peut être menacée et où les conséquences de moyen et long termes sur la santé peuvent se révéler lourdes. L’acceptabilité de ces conditions d’exercice de nos missions, qui fonde notre capacité à maintenir une diplomatie quasi universelle, serait fortement affaiblie en cas de baisse significative de l’indemnité associée à l’expatriation.

Chaque agent qui doit, tous les trois ans, peser le choix pour sa famille de partir en expatriation ou non, et de choisir sa destination, le sait : l’attractivité d’un métier difficile a un prix. C’est vrai à l’étranger, mais aussi en centrale, où les agents comprennent de plus en plus mal le différentiel interministériel des primes, en défaveur des agents du MEAE. C’est vrai, enfin, lorsque l’on compare les trajectoires de salaires du public et du privé, en particulier sur les catégories les plus mobiles. Une diminution sensible de l’IRE remettrait en cause un équilibre qui est loin d’être uniquement financier, et s’ajouterait aux effets négatifs sur l’attractivité causée par les incertitudes sur le déroulement des carrières générées notamment par la réforme de la haute fonction publique de 2022.

Pour ces raisons, les organisations syndicales et associations professionnelles de ce ministère demandent le retrait de cet amendement du projet de loi de finances, réitèrent leur détermination à se mobiliser à cette fin, y compris par la grève, qui sera sans doute très suivie sur ce sujet existentiel. Nous comptons, M. le Ministre, sur votre engagement sans équivoque dans l’intérêt du ministère et de notre diplomatie.

Nous nous tenons à votre disposition et à celle de votre administration pour évoquer ces éléments plus avant et vous prions, Monsieur le Ministre, de bien vouloir accepter nos salutations respectueuses./.

==Fin de citation==