M. le Ministre,
10 % d’effectifs en plus !
Il y a quelques années, nous débutions notre intervention par la diffusion dans cette enceinte du « Fossoyeur ». Nous aurions volontiers renouvelé cette interpellation musicale, ne serait-ce que pour fêter le centenaire de Georges Brassens, mais avons renoncé, faute d’avoir identifié, dans le répertoire musical à notre disposition, de titre intitulé « le VRP du fossoyeur ».
Rassurez-vous, je ne fais pas ici référence à l’article paru en juillet dans Jeune Afrique et décrivant vos pérégrinations commercialo-familiales aux Emirats. Mais bien du fait que, pour la 2ème année consécutive, vous venez nous vendre la prise de conscience soi-disant aigüe que l’exercice de destruction massive des effectifs de ce Ministère n’a que trop duré, avec pour seule conséquence le fait de geler lesdits effectifs à un niveau unanimement reconnu comme intenable. Et ce n’est pas le recrutement temporaire de 40 apprentis qui va compenser les milliers d’emplois supprimés, ni soulager la charge de travail de nos collègues épuisés. Nous exigeons au contraire une politique de recrutement massif, de l’ordre de 1.500 agents, afin de renforcer les effectifs de tous les services et de retrouver enfin des conditions de travail dignes de ce nom.
Le statut général des fonctionnaires
Nous demandons également la titularisation de tous les collègues contractuels qui le souhaitent, afin de garantir l’indépendance des agents et du service public qu’ils incarnent, et pour que ce ministère réponde enfin aux exigences de réduction massive de la précarisation dans la fonction publique. Lors du dernier CTAC, nous avons par exemple découvert avec effarement que des postes de rédacteurs avaient été publiés sur la Place Publique de l’Emploi, notamment ceux de rédacteurs Iran et Afghanistan. Et la DRH de nous asséner sans sourciller que le Ministère ne disposait pas de compétences en interne pour pourvoir ces postes. Pas de spécialistes de l’Iran et de l’Afghanistan au Ministère des Affaires Etrangères ? La situation serait-elle encore plus grave que nous le pressentions ? Nous refusons d’y croire. Selon nous, l’explication est malheureusement beaucoup plus prosaïque, et a trait au mépris affiché par ce gouvernement et ses représentants à l’encontre des fonctionnaires.
Nous passerons rapidement sur la réforme en cours de la haute fonction publique, qui illustre bien ce mépris. Non pas parce que le sort de nos collègues conseillers ou ministres pleinpots ne nous intéresse pas, ni même parce que nous considérons qu’ils ont largement creusé la fosse dans laquelle ils pataugent aujourd’hui. Nous restons solidaires de nos collègues, et l’avons prouvé en votant contre le projet de décret relatif à la création du corps des administrateurs de l’État au Conseil Supérieur de la Fonction Publique, contrairement à l’UNSA et la CFDT, qui se sont prononcés pour, il est important que les agents le sachent. Mais cet affront qui est fait à nos diplomates ne pourra malheureusement être lavé dans cette enceinte : seule l’abrogation de la Loi de Transformation de la Fonction Publique le permettra, et la CGT continuera de se battre pour l’obtenir.
10 % de revalorisation du point d’indice
M. le Ministre, vous nous annoncez une progression de 2% de la masse salariale, permettant d’attribuer 24 millions d’€ à la réforme des ressources humaines que défendez. Nous considérons qu’il s’agit d’un saupoudrage. Nous déplorons encore une fois le fait que le gouvernement n’ait pas fait le choix de l’augmentation du point d’indice et persiste sur l’individualisation de la rémunération par l’octroi de primes, dont on ne connaît que trop le caractère inégalitaire.
Nous actons en parallèle le relèvement conséquent, par la DGAFP, des ratios de promotion, une mesure, qui ressemble furieusement à un cadeau électoral, mais qui n’en reste pas moins bienvenue. Nous regrettons néanmoins le manque de transparence qui s’applique à l’exercice de promotion dans notre administration. Fin de non-recevoir à notre demande d’accès aux listes d’agents promouvables, absence de négociation à l’ordre du jour sur les lignes de gestion, et sur les critères objectifs à prendre en compte pour décider qui, du collègue ou de son voisin, mérite ou non un avancement. Pire, en encourageant la remise de listes d’attentions positives par les organisations syndicales, vous avez personnellement validé un système opaque, mis en place en dehors de tout cadre règlementaire, qui remet en cause l’égalité de traitement entre les agents en indexant la reconnaissance de leurs compétences à leur allégeance syndicale.
Halte au harcèlement, oui à l’intégration !
M. le Ministre, je ne souhaite pas terminer cette intervention par un inventaire à la Prévert des points d’attention que nous souhaiterions vous soumettre, depuis l’affaiblissement du service public par l’externalisation de ses missions et la numérisation de ses moyens, jusqu’à la valse des hauts fonctionnaires au handicap et l’inclusion, nommés à un an de la retraite comme pour souligner tout l’intérêt que l’on porte à l’égalité des chances dans notre maison.
Je me contenterai donc d’évoquer celui qui, à nos yeux, revêt une importance particulière. L’année dernière, vous nous annonciez, au moment de la fusion des cellules de recueil de signalements, que votre bras ne tremblerait pas en la matière. Depuis, wapi, si vous me pardonnez cette interjection swahilie, dont un CAE en voie d’extinction pourra vous donner la traduction. Une mise à la retraite d’office, voici tout ce que nous avons eu à nous mettre sous la dent. La CGT vous a fait part au dernier CTM d’une série de demandes au sujet du harcèlement dans notre Ministère, sur lesquelles nous n’avons pas eu la moindre réponse :
• Interdiction des mutations dans l’intérêt du service à l’encontre des personnes ayant effectué un signalement de harcèlement.
• Communication des statistiques anonymisées sur les sanctions prises à l’encontre des harceleurs.
• Saisine systématique du Procureur de la République en cas d’agissements délictueux, ainsi que le prévoit la loi.
C’est ainsi, et pas autrement, que l’on fait montre de Tolérance Zéro. En allant plus loin que les mots. 70 % des auteurs de signalement de harcèlement moral au Ministère sont des femmes. C’est donc également une question qui impacte l’équité des conditions de travail entre les sexes.
M. le Ministre, 10 % de fonctionnaires en plus, 10 % de salaire en plus, tolérance zéro en matière de harcèlement moral, de violences sexistes et sexuelles et de discriminations, c’est possible ! Nous vous engageons, pour ce qui constitue peut-être votre dernière année de mandat, à renouer avec votre passé d’homme de gauche, aussi lointain puisse-t-il paraître aujourd’hui. Et peut-être vous rendrez vous compte qu’il est finalement plus simple de viser une vraie justice sociale que de vendre des sous-marins…