CTM des 17-18-19 mai 2021 – La CGT-MAE interpelle le Ministre

18 Mai 2021 | CSAM (ex-CTM), 2021

M. le Ministre,

Lors de notre précédente rencontre, la CGT/MAE exigeait un changement de cap drastique, une prise en compte de la fatigue générale du réseau, par une politique de recrutement et de rémunération ambitieuse. 6 mois plus tard, tels Sœur Anne, nous ne voyons rien venir. Au contraire, le Ministère semble s’enferrer dans une attitude où le désintérêt à l’égard de ses agents le dispute à la mesquinerie, quand il ne confine pas au mépris pur et dur.

Ce désintérêt s’observe dans l’attentisme déplorable qui préside à la préparation et l’exécution de la campagne de vaccination. Le recensement des agents vulnérables n’a été ordonné que 20 mars 2021, les problèmes logistiques, (les « contraintes organisationnelles » érigées en véritables éléments de langage) n’ont pas été anticipés et sont toujours à l’étude, plus d’un an après le début de la crise sanitaire. Cela fait pourtant belle lurette que l’on sait que la sortie de crise passe par la case vaccins. Cela fait longtemps que les vecteurs d’acheminement auraient dû être identifiés, sans attendre le résultat des tractations sur le type de vaccin à envoyer ou le nombre de doses concernées.

En ce qui concerne ces tractations, la CGT/MAE ne peut que dénoncer la mollesse de son administration. Le MINDEF a obtenu sans coup férir la vaccination des 2.400 effectifs du GAN du porte-avion Charles de Gaulle dès le mois de février. Celui de l’Intérieur a garanti la vaccination de tous les membres des bureaux de votes déployés à l’occasion des élections régionales en juin, alors que rien n’a été prévu chez nous pour les élections consulaires en mai. La seule réponse de l’administration a longtemps été de conseiller aux agents de se faire vacciner lors de leurs congés d’été, mais là encore sans la moindre garantie sur un accès prioritaire à un vaccin unidose. Le ministère se cache derrière la politique vaccinale nationale, alors que nous attendions de lui qu’il défende au contraire la spécificité de nos situations à l’étranger. Un fonctionnaire contaminé en France, même en cas de comorbidité, peut espérer bénéficier d’un accompagnement médical de qualité. Dans la moitié de nos Postes à l’étranger, dont certains confrontés à une forte prévalence de variants, ce n’est malheureusement pas le cas, et c’est cette particularité qu’il fallait mettre en avant pour faire en sorte que 5 ou 6.000 personnes seulement soient considérés comme absolument prioritaires. Cela n’a pas été le cas, et ce mépris à l’égard de ceux qui ont tant donné pour faire en sorte que votre action puisse se poursuivre n’est pas à votre honneur, et nous restera un certain temps en travers de la gorge. En l’état, nous ne pouvons que souhaiter que l’administration mette les bouchées doubles d’ici l’été pour garantir l’accès au vaccin aux agents qui en seraient démunis dans leur pays de résidence et à ceux qui doivent s’expatrier à l’été.

La mesquinerie, on la retrouve dans le refus constant de l’administration d’adopter des mesures qui pourraient faciliter la vie des agents et alléger les charges financières qu’ils subissent, par exemple en prenant en charge les frais liés au télétravail ou en ayant une interprétation des textes régissant leurs congés qui leur soit enfin favorable : règle des 31 jours appliquée à l’étranger sans base légale, non-cumul illégal de droits à congés durant les congés de mutation, négociation sur les délais de route sur la table depuis 2016, avec une issue sans cesse remise aux calendes grecques. Pour votre gouverne, M. le Ministre, cette question des congés est tout sauf anodine. En 2019, dernière année probante en termes de badgeage et de temps de travail, les agents du Ministère ont gracieusement offerts à l’administration : 75.000 jours de congés non pris et non déposés sur un CET, 2.000 jours de récupération horaires variables non pris, 80.000 heures supplémentaires écrêtées. Un sacrifice forcé représentant selon nos calculs un total d’environ 600 ETP et auquel nous demandons qu’il soit mis un terme par un recrutement au moins équivalent.

Mépris, enfin. Le 26 mars, nous vous adressions un courrier pour vous demander de bien vouloir trouver une solution consensuelle au dossier d’une agente C à XXX, menacée d’une mutation dans l’intérêt du service. Aucune réponse de votre part, et la MIS aura finalement été prononcée, l’intéressée doit rentrer en Centrale d’ici quelques jours. Je souhaiterais revenir dans les grandes lignes sur ce dossier, car il illustre magnifiquement bien le gouffre désormais béant entre les beaux discours que vous avez l’audace de nous asséner en instances et la réalité parfois sordide du terrain. Cette agente était issue du recrutement PACTE. Après une 1ère expérience fructueuse, il s’agissait de sa première expatriation : elle était arrivée en septembre à XXX, avec mari et bébé, en laissant derrière eux appartement et emploi du conjoint. Très rapidement, communication difficile avec son chef de service, qui en guise d’accompagnement, se plait à l’humilier en public, allant jusqu’à mettre en doute ses capacités mentales. L’intéressée saisit alors la cellule Tolérance Zéro pour dénoncer le harcèlement dont elle s’estime victime. Deux semaines plus tard, la DRH lui notifie sa mutation sur un motif complètement fallacieux et ruine ainsi cette première expérience à l’étranger. L’agente écrit à la DRH, supplie qu’on lui accorde une nouvelle chance, sans succès. Elle saisit la médiatrice et le référent écoute, qui se retranchent tous 2 derrière leur incompétence. On mesure en retraçant cet épisode la duplicité du ministère, qui s’enorgueillit d’accueillir en son sein des femmes et des hommes d’horizon différents, sans s’investir pleinement dans leur accompagnement, qui glorifie littéralement ses dispositifs d’alerte mais ne leur donne aucun moyen d’agir, qui affiche, enfin, sa préoccupation grandissante à l’égard des phénomènes de harcèlement mais refuse de garantir le droit des auteurs de signalement à la protection contre les éventuelles sanctions qui pourraient en découler. La CGT/MAE souhaite donc profiter de cette occasion pour réaffirmer 2 revendications qui lui paraissent essentielles :

• Qu’en vertu de la Loi LE PORS, aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne puisse être prise à l’encontre des victimes de harcèlement qui ont le courage de rompre leur isolement en saisissant la cellule Tolérance Zéro ;
• Qu’il soit fait la transparence la plus totale sur les phénomènes de harcèlement, en rendant compte aux OS, de manière bien évidemment anonyme mais détaillée, des statistiques relatives aux cas signalés mais aussi, et surtout, aux sanctions qui auront été prononcées à l’égard des harceleurs, ou aux motifs pour lesquels ces sanctions n’auront pas été jugées nécessaires. Seule la fin de cette omerta permettra d’abolir le sentiment d’impunité qui prévaut chez les harceleurs et décourage les harcelés.

M. le Ministre, la CGT/MAE ne croit plus à votre volonté de redresser la barre. Et pourtant, il nous a semblé important de terminer cette intervention par une requête, par solidarité avec des agents qui ne dépendent pas de votre plafond d’emploi mais partagent avec nous la même envie de faire rayonner la France à l’étranger. En décembre 2020, les agents du Lycée Français de Santiago apprenaient le licenciement sec de 33 personnels et le non-renouvellement de 7 contrats supplémentaires ; et la semaine dernière, c’est l’Institut Français de Valence qui annonçait la suppression de 26 postes. M. le Ministre. En pure perte sans doute, nous vous implorons de bien vouloir, en lien avec l’AEFE et l’Institut Français, tout mettre en œuvre pour que ces plans de licenciements massifs soient évités. Parce que la délégation de service qui est opérée au profit de nos différents opérateurs ne vous décharge pas de veiller à l’impact social de notre politique à l’étranger, et parce que c’est une bien piètre image de la France qui est reflétée à l’occasion de ces tristes épisodes.