Madame la Ministre, chers collègues,
Permettez-moi au préalable d’avoir une pensée pour notre collègue Claude Delarboulas, décédé le 23 juin dernier. Il était un fervent animateur du dialogue social nantais et des problématiques HSCT, notamment concernant le dossier amiante.
Dans une démocratie l’échange est le mode de résolution normal pour gérer les conflits, et c’est bien pour cette raison que nous sommes présents aujourd’hui. Mais conflit il y a eu, et nous ne pouvons pas reprendre nos discussions comme si de rien n’était et sans évoquer à nouveau la réforme des retraites, bien que vous n’ayez pas cru bon de mentionner : la colère est là, et comprenez bien qu’elle trouve toujours un exutoire. Le gouvernement que vous représentez, qui n’a plus ni majorité sociale ni majorité politique, devra en tenir compte.
À ce stade, néanmoins, nous peinons à percevoir au Ministère les signes précurseurs éventuels d’une telle prise de conscience. Certes, sous couvert des conclusions des états généraux et de la prise en compte affichée des remontées des agents, le discours ambiant a radicalement changé depuis 6 mois. Exit les politiques austères de réduction des effectifs, on se gargarise aujourd’hui d’avoir enrayé la spirale d’attrition, et surtout de mettre en avant le « développement personnel » des agents. Dans le sillage de la réforme de la Haute Fonction Publique, on vante les mérites de la mobilité, on met l’accent sur les parcours des agents, dont on vend l’attractivité à grands coups de réseaux sociaux et de happenings dans les salons ou les grandes écoles. On passe cependant sous silence, ce faisant, le fait que cette individualisation croissante de la relation entre les agents et le Ministère est surtout une astuce déjà un peu éculée du management nouvelle génération pour atomiser le collectif de travail, isoler les agents en affaiblissant les corps intermédiaires, les perdre dans un jargon new age qui masque la persistance d’une relation verticale entre l’employeur et les employés et de la difficulté des conditions de travail dans lesquelles ces derniers la subissent. On tait également l’appauvrissement du service public qui va résulter de la dilution des compétences induite par cette mobilité tous azimuts, appauvrissement pourtant déjà à l’œuvre lorsque ceux-là même qui nous vantent la plateforme « Choisir le service public » n’hésitent pas dans le même temps à comparer passeports et contrats d’assurance…
À l’occasion de notre 1ère participation à ce CSAM, notre liste d’Union s’est interrogée sur son rôle dans cette instance et les revendications que nous devons porter :
Voici donc de quoi sera fait notre mandat :
• Rappeler inlassablement la réalité de travail des agents de notre Ministère, décrire toujours et encore leurs conditions de travail dégradées, et parler de l’insoutenabilité qu’est devenu le travail en poste et en centrale pour beaucoup trop d’entre nous ;
Dire les collègues en arrêts longue maladie, en surmenage à cause de la charge de travail, du contact avec des publics compliqués voire agressifs, de l’usure provoquée par l’impossibilité de travailler sereinement, la souffrance d’accomplir ses missions dans un stress permanent, avec une charge de travail qui épuise mentalement puis physiquement, en pensant à ses collègues qui disent ne plus dormir, à ceux qui pleurent dans les ascenseurs et à ceux qui pensent en finir parce que leur travail a dévoré leur raison d’être.
• Revenir sur la crise de nos moyens, car ce n’est pas de sens que manquent nos missions, et surtout pas dans le domaine consulaire, véritable vitrine du service public rendu à nos compatriotes à l’étranger, mais bien de moyens humains.
En matière de moyens humains, oui, c’est vrai, pour la 1ère fois, nous avons enfin réussi à inverser la tendance et nous allons récupérer 700 ETP sur les prochaines années. C’est à nous que nous le devons.
Un nous collectif ; vous l’encadrement, certes, les responsables politiques, également, mais aussi et surtout nous, les syndicats et collectifs d’agents, que nous le devons.
C’est bien nous qui avons mis le mal-être de nos métiers sur le devant de la scène médiatique l’année dernière comme rarement,
Oui, ces 700 ETP, c’est aussi à nous, les représentants du personnel de tout bord, collectifs, syndicats, associations, que l’Administration les doit et c’est pour cela que nous demanderons des comptes sur leur déploiement et affectation, et serons vigilants sur leur nature statutaire (combien de créations de places aux concours, combien de contractuels, sous quels statuts ?).
En ce qui concerne les contractuels, justement, nous veillerons à ce qu’ils soient enfin considérés comme des collègues à part entière, là où ils se heurtent encore trop souvent à une culture Quai d’Orsay encore très hermétique. Nous saluons évidemment les mesures de convergence à l’œuvre actuellement en matière de rémunération, mais soulignons également le peu de perspectives qui leurs sont offertes en matière de cdisation, de titularisation, ou même d’accès à nos concours, ainsi que les difficultés que nombre d’entre eux éprouvent pour se fondre dans un univers qui leur reste souvent hostile et dont ils ne maîtrisent pas toujours les codes. Nous, organisations syndicales, voyons passer de trop nombreux dossiers de harcèlement résultant manifestement du manque d’accompagnement que ces personnels subissent parfois ; et d’ailleurs cette remarque est tout aussi valable pour les personnels issus de Pacte ou recrutés au titre du handicap. Notre Ministère s’enorgueillit à qui mieux mieux de la diversité de ses profils, mais ne leur offre trop souvent que mutations dans l’intérêt du service, non renouvellement de contrat ou refus de titularisation.
Notre rôle, c’est aussi de vous demander de faire des choix budgétaires, et d’arbitrer en faveur des services qui en ont le plus besoin, et des les agents qui subissent le plus durement la hausse de l’inflation et le cout de la vie, nos collègues recrutés locaux et les collègues de la catégorie C et B, et nous vous demanderons de répondre à des questions précises sur ce sujet.
• Nous vous demandons Madame la Ministre de porter à notre connaissance toutes les mesures financières adéquates portées par vos services sur ce sujet. La politique de convergence en matière de grilles de rémunération entre les réseaux diplomatique consulaire et culturel doit se renforcer rapidement.
• Nous vous demanderons d’entendre le sous-effectif chronique, notamment, mais pas uniquement, dans le domaine consulaire, où les effectifs ont plongé dans le même temps d’une constance hausse du nombre de Français résidant à l’étranger, dans le domaine des ressources humaines ou de la DNUM, alors qu’il est urgent de ré internaliser des missions ;
• Nous vous parlerons d’ailleurs à nouveau de la dématérialisation à marche forcée dénoncée rapport après rapport par le défenseur des droits, qui est devenue une déshumanisation des échanges avec les usagers, et où pèse sur les agents la charge de raccrocher les personnes laissés sur le bas-côté par la numérisation de nos services.
Nous attirons également au nom de la liste d’union CGT-FSU-SOLIDAIRES votre attention sur la qualité du dialogue social qui doit se renforcer partout.
• Nous devons aussi rappeler dans cette instance que nous échangeons tous les concepts creux de QVT pour un seul DUERP bien tenu, véritable outil de prévention des risques professionnels, totalement ignoré et méprisé par nombre de ceux qui en sont responsables, y compris pénalement.
• Et enfin nous mettrons l’accent sur l’importance d’une plus grande rapidité et efficacité en faveur d’un ministère réellement éco responsable, sans vouloir être exemplaire, ne nous berçons pas trop d’illusions soyons déjà responsable ce sera déjà une avancée.
Merci de votre écoute.